La vierge noire d'Arconsat,
une création de Sylvie VISSA
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La légende de la vierge noire d’Arconsat
La légende de la vierge d'Arconsat, sans doute racontée dans les familles depuis la Révolution, a été consignée par Marie-Thérèse Planche qui disait la tenir
de sa grand-mère.
« On voyait au-dessus de la grande porte d'entrée (de l'église), une niche où se trouvait placée une vierge noire, dont l'origine est très discutée. Les uns prétendent qu'on l'aurait sortie de terre
et que dans le doute sur son véritable état civil, les anciens l'auraient laissée devant l'entrée de l'église. Puis, elle fut consacrée, couronnée et placée sur un autel dans l'église actuelle.
D'après les uns, ceux qui croient qu'on l'a trouvée dans la terre, elle pourrait être une Déméter ou Cybèle la déesse mère gauloise, d'autres la disent sculptée par un moine du château de l'escalier.
Enfin, grand-mère croyait que Pierre l'ermite l'avait rapportée des croisades et donnée au père abbé d'Arconsat qui était son ami. Il est certain que Notre Dame d'Arconsat s'apparente de très près
aux statues byzantines du temps des croisés. »
« Jusqu'à la révolution, le prestige de notre vierge noire était nettement établi par des guérisons et autres grâces accordées. Au moment de la grande tourmente, elle montra aussi sa puissance.
La cloche de l'église ancienne, célèbre par ses fortes dimensions à plusieurs lieux à la ronde, tenta les agents révolutionnaires en quête de bronze pour les canons de nos armées. Ils vinrent pour la
prendre. Ils pillèrent les vases sacrés ; et, trouvant curieuse la vierge noire, ils la placèrent au milieu d'un char attelé de bœufs, chargé de leur butin. »
1er miracle :au moment du départ, le char contenant la statue fut impossible à déplacer. Ni les cris, ni les coups ne firent avancer les bœufs d'un pas, les roues
semblaient faire corps avec la route, y être scellées comme si elles y avaient pris racines.
2ème miracle : une femme criant des injures fit le geste de donner un coup de pied à la vierge noire, l'insolente tomba la jambe fracturée.
3ème miracle : furieux, un sans-culotte donna un coup d'aiguillon sur l'épaule de la statue. De la piqûre coula des gouttes de sang.
4ème miracle. : le chef de l'expédition voulut avoir le dernier mot, il ordonna de rassembler des fagots, des bancs, des stalles de l'église, de placer au centre
la statue de bois noir. Ce bûcher improvisé brûla en entier. Quand les flammes furent éteintes, on vit au milieu du brasier la vierge intacte. »
« Impressionnés par cette série de faits extraordinaires, les pillards offrirent, à des habitants du Forez qui se trouvaient là, de leur donner la statue contre le spectacle d'une bourrée. Ils
s'empressèrent de la danser et reçurent leur cadeau (le fait de demander à voir danser la bourrée prouve que les pillards n'étaient pas des auvergnats). Le char débarrassé de la statue partit sans
encombre à la suite des autres chars pleins du butin volé. Les hommes du Forez partirent en emportant leur précieux cadeau, promettant de le rendre le calme revenu. »
« Le temps passa. Quand Pie VII et Bonaparte établirent le concordat, l'église fut ouverte au culte. Les habitants d'Arconsat réclamèrent vainement leur bien. Les Foréziens prétendirent garder la
vierge noire. A bout d'arguments, deux hardis garçons d'Arconsat allèrent la chercher pendant la nuit et l'emportèrent fuyant à travers champs, loin de toutes habitations, cheminant à travers bois et
pâtures. C'était au mois d'août. Le jour revenu, nos deux montagnards se cachèrent dans un champ de blé sans aucune nourriture ni boisson. Rien à manger, c'est à moitié supportable ; mais rien à
boire, en pleine canicule, c'est intolérable ! Aussi ce dut être avec la foi qui transporte les montagnes qu'ils supplièrent la vierge de leur donner un peu d'eau. A cet instant, au pied de la
statue, une source jaillit. Cette source du miracle existe encore. On l'appelle la font de la noire (elle est située entre Cervières et ST Thomas). Bien que l'eau en soit très froide, elle a la
réputation de ne jamais faire mal à ceux qui s'y désaltèrent, même en état de transpiration. »
Jean Olléon (Mégalithes et traditions religieuses et populaires en Livradois et Forez – 1992) donne une version encore plus étrange de la récupération de la
vierge :
« Plusieurs habitants d'Arconsat partirent "en commando", récupérèrent la statue et s'enfuirent en toute hâte. Cependant l'alerte fut donnée et les poursuivants se lancèrent à leurs trousses. Mais
alors qu'il faisait un soleil magnifique et au moment où ils allaient être rejoints, un brouillard épais se leva, ce qui leur permit d'échapper à leurs poursuivants.
Ils reprirent donc leur marche, mais pris par la soif et la faim, ils durent s'arrêter. Ils implorèrent la Vierge de les secourir. Aussitôt à l'endroit où ils avaient déposé la statue jaillit une
source qui depuis n'a plus tari et s'appelle la "Fontaine de la Vierge".
Il s'agit incontestablement là de la christianisation d'une source qui fut sacrée.
L'accueil d'Arconsat fut triomphal et la statue fut placée dans une maison faisant face à l'église, connue depuis ce jour sous le nom de « chez la Noire ». La statue revint ensuite dans la chapelle
de l'église paroissiale. »
Jean-François FAYE